Chanterelle :
Bien sûr, je comprends ton plaidoyer mais alors cesse stp d'opposer les travailleurs indépendants aux salariés.
Je ne les oppose pas, j'ai été salariée, et le suis encore (bien qu'à hauteur de 3h par semaine seulement et en CDD)! De fait, ce sont deux statuts très différents, avec des charges et une précarité de vie très différentes, c'est tout.
Etre TNS est un choix, il me semble.
Non, ce qui est un choix c'est d'être artiste-auteur. Si nous pouvions être salariés pour nos œuvres - ça existe dans certains pays, et ce fut le cas pendant longtemps en France, du temps des grands périodiques qui diffusaient romans et BDs à épisodes - nous le serions avec grand plaisir.
Mais de fait, nous n'avons pas d'autre choix que celui d'être TNS, à moins de cumuler plusieurs emploi, plusieurs statuts déclaratifs, plusieurs types de frais...ce qu'hélas nous faisons quasiment tous pour espérer d'avoir des revenus décents.
Un courrier au ministre, au président du CG (Mdph), au directeur de la CAF, un rdv avec l'AS de la CAF seraient certainement utiles pour clarifier la situation.
Évidemment, je n'ai pas attendu longtemps pour faire toutes les démarches que tu suggère, d'autant que je suis très organisée et trèèèès procédurière :
- le courrier à la ministre, les syndicats des auteurs s'en chargent en ce moment même - et ce n'est pas la première fois. Problème : Filipetti a dit vouloir privilégier les libraires (face au géant Amazon et au numérique), ainsi que le pouvoir d'achat des consommateurs de culture, ce qui pour elle implique de baisser nos revenus à nous auteurs. Nous cherchons encore la logique qui fait qu'on pousse les créateurs des œuvres à arrêter leur métier - c'est le cas de plein d'artistes en ce moment en coulisse - pour que libraires et lecteurs puissent mieux profiter de leurs créations...
Personnellement, en revanche, je vois mal ce que je pourrais changer, car ponctuellement d'autres auteurs, bien plus célèbres, s'y sont essayés et sans succès.
- le courrier au directeur de la Mdph : déjà fait, déjà réclamé, mais ma maladie étant orpheline et très peu connue, ma réclamation est restée sans suite. Il ne me reste à présent qu'à remonter un nouveau dossier, avec l'aide des associations de malades souffrant de la même pathologie, en espérant que ça marche mieux (à noter que si certaines personnes qui ont ma pathologie s'en sortent mieux, c'est parce qu'ils ont un conjoint avec un métier confortable, ou des parents aisés, car personnellement, les malades ont du mal à maintenir une activité salariée).
- contacter le directeur de la CAf, et la CAF en général : déjà fait, au moins...5 ou 6 fois? Plus? (ça fait un an que je suis au RSA et leurs erreurs ne cessent de s'accumuler alors je perds le compte) par téléphone, mail, courrier, avec lettre recommandée etc. Au mieux on me dit "pardon on va rectifier notre erreur" (mais sans que ça prenne effet), au pire on ne donne même pas suite à ma demande prétextant n'avoir rien reçu.
- rendez-vous avec l'AS : fait avec celle spécialisée dans la gestion des pathologies comme la mienne, mais hélas elle appartient à un centre d'un département voisin, pas au mien. Et de son propre aveu, elle voit mal ce qu'elle pourrait faire de plus, car si dans mon département on classe sans suite, il n'y a qu'à persévérer et croiser les doigts (d'autant qu'elle ne connaît rien au sujet du statut d'artiste-auteur)...
Vous êtes loins d'être isolés, de nombreux auto-entrepreneurs, agriculteurs (Près de 35 000 foyers agricoles sont bénéficiaires du rSa en 2012 < source MSA > ) (...) Pourquoi ton revenu (fluctuant) ne pourrait-il pas ouvrir droit aux aides sociales au même titre que celui d'un agriculteur (tout aussi fluctuant) ?
Justement, voilà LE nœud du problème. Tu n'es pas la première, bien-sûre, à comparer le statut d'artiste-auteur à celui d'agriculteur, même au niveau administratif ils le font. Sauf qu'en fait, il n'y a pas plus dissemblable!
En effet, un agriculteur déclare souvent en Bénéfice Commerciaux (BC), donc non-salarié, fluctuant, MAIS reconnu comme une vente de produits, un commerce.
Or les artistes-auteurs déclarent en Bénéfice NON Commerciaux (BNC), soit non-salarié, fluctuant, et PAS une vente de produits, PAS du commerce, mais une sorte de prime sur la propriété intellectuelle : c'est ce qu'on appelle des
droits d'auteur.
Le statut d'artiste-auteur correspond à ceci :
Droit :
- de réclamer la propriété intellectuelle d'une œuvre
- de vendre son original papier - texte, tirage photo, dessin... - à un particulier
- de céder la commercialisation et les droits d'exploitation de son œuvre à une entreprise tierce
- d'obtenir un pourcentage des ventes réalisées par un tiers à partir de notre création
Pas droit :
- de vendre autre chose que des pièces uniques, des originaux ou bien-entendu des droits d'exploitation
- de vendre des livres, CD, re-tirage, cartes-postales, etc..., à partir de nos œuvres
- de vendre des services (enseignement, conférences, concerts...) à plus de 1/2 de nos revenus de droits d'auteur (donc services = 1/4 de nos revenus au maximum)
- au chômage
- au congés maladie - sauf si l'auteur en question a eu des revenus mensuels > ou = au SMIC
- de cotiser pour la retraite ailleurs que dans la caisse des auteurs (celle là même qui vient d'augmenter ses prélèvement, suite à décision de la ministre, de 8% de nos revenus de l'année)
- de déclarer nos revenus d'artiste-auteur autrement que par ce biais là
Du fait de ces spécificités, quand l'auteur est un travailleur pauvre - souvent donc - la façon dont est traité son dossier dépend un peu de la personne qu'il a en face. Soit cette personne comprend le statut parce qu'elle y a déjà été confrontée, et elle accorde les aides dont l'auteur peut bénéficier, soit elle ne comprend pas le statut - ou ne souhaite pas le comprendre - et elle fait blocage sur ce qu'elle estime être une tentative de fraude.
A noter que nos revenus sont très fluctuants, passant de plusieurs mois à 0€ à 1000€/3000€ en une seule fois, pour revenir à 0€ pendant plusieurs mois, et ainsi de suite... On est loin d'une simple fluctuation de montant, et il faut croire que c'est perturbant.
La culture oui, c'est super mais sans les bons de mon comité d'entreprise, je n'aurais même pas la possibilité de m'acheter mes 3 bd annuelles, quant à une place de ciné, on n'en parle même pas ! Un opéra, j'en rêve encore.
Les auteurs eux-même, quand ils sont pauvres, ne s'achètent pas de CD, pas de livres - ils comptent parfois sur un éditeur bienveillant pour leur en envoyer de sa collection, mais ça se fait rare - ne vont pas au concert, pas au théâtre, pas à l'opéra... Heureusement qu'on a internet!
Plus sérieusement, je me doute que la culture est chère, mais c'est un comble que les créateurs de culture soient paupérisés au point de devoir arrêter, non?
Ne dit-on pas que la façon dont on traite ses artistes en dit long sur l’État d'un pays...
l'effort de solidarité je le fait déjà : ça s'appelle CSG et RDS (un impôt sur quelque chose qui m'est retiré de ma fiche de paye)
Je sais bien, puisque je les paie aussi, retirés de mes droits d'auteur, avant qu'on ne m'en retire en sus des droits de couverture santé (car en tant qu'artiste-auteur on doit en payer en plus pour y avoir droit, soit entre 50 et 100€ par mois supplémentaire), de même que je cotise aussi pour les retraites, avant qu'on ne me demande 8% de mes revenus en plus, parce que je suis artiste-auteur et que c'est comme ça...
La seule solution pour survivre, quand on est auteur débutant ou peu connu, c'est d'être Auto-Entrepreneur (pour vendre ses créations soi-même) et/ou salarié (pour pouvoir enseigner par exemple, ou avoir un emploi stable quel qu'il soit). Et c'est déjà ce que la plupart d'entre-nous, artiste-auteur, faisons! Nous accumulons les statuts, les déclarations, les charges puisqu'il est obligatoire de payer les prélèvement propres sus-cités liés à cette activité d'auteur, les heures de boulot... Et heureusement, pour ceux qui parviennent à cumuler les carrières, même s'il sont souvent très fatigués, ils s'en sortent.
[[C'est d'ailleurs ce que je faisais, jusqu'à ce que la maladie m'en empêche, et c'est là que le bas blesse me concernant : si je pouvais toujours exercer un mi-temps, voire un temps complet, en parallèle de mon activité d'auteur (ou la place hein, quand il faut...), je le ferai! Sauf que je ne peux plus, contrainte de rester couchée ou au repos une grande partie de la journée. Voilà pourquoi je n'ai d'autre choix que de creuser ma place coute que coute en tant qu'auteure (travaillant à domicile donc), et en parallèle, tenter de devenir chercheuse (puisqu'au maximum, un chercheur donne une 15aine d'heures de cours par semaine, ce qui est un peu gros pour ma santé mais encore gérable).
Tu vois sans doute, désormais, pourquoi ma situation est complexe, puisque ce qui me permettrait de vivre dignement implique soit que la CAF arrête la drogue (huhu), soit que les artistes-auteurs soient décemment payés (c'est de pire en pire depuis 6 à 10 ans), soit qu'on me donne une place en université (ce qui est rare, mais auquel je crois, cependant pour ce faire il faut que je termine mon doctorat = encore 4 ans à tirer sans certitude de résultat).]]
Et donc plus généralement, pour revenir au sujet, pourquoi je me permets de pointer les dysfonctionnements concernant la santé, les aides sociales, l'éducation, l'emploi, et la culture, puisque moi-même et tout un tas d'autres auteurs de ma connaissance sommes touchés, fragilisés, par tous ces domaines-là.
Voilà pourquoi nous sommes nombreux à soit jeter l'éponge, soit déménager à l'étranger.
Jean-René :
LudmiA suggère, en plus, qu'en dessous d'un certain revenu, on soit exonéré de toute contribution au financement du système de santé. Pourquoi pas ? C'est bien ce qui existe pour l'impôt sur le revenu puisqu'en-dessous d'un certain revenu, on ne paye pas d'impôt.
On ne paie pas d'impôt sur le revenu, mais on en paie des tas d'autres, et ça quelle que soit notre situation.
Et comme précisé ci-dessus et dans d'autres messages, les non-salariés en paient à hauteur de 30 à 40% de leurs revenus, même quand ces derniers sont inférieurs au seuil de pauvreté mensuel.