Bienvenue à toi!
Je te réponds vite car ton message me touche, et me rappelle mes heures de doutes adolescente. Dans mon texte, je te parlerai de temps en temps de mon expérience, car on ne connaît vraiment que soi, et c'est la meilleure façon d'apporter un exemple.
Pour tout un tas de raisons ayant trait à mon éducation très religieuse et le milieu dans lequel je vivais, il n'étais pas possible pour moi à ton âge de révéler mon attirance envers les femmes. Pire, j'avais la conviction que j'étais profondément anormale, et je m'en voulais terriblement, ce qui m'a empêché d'être heureuse en amour pendant très longtemps. Heureusement, à l'âge adulte, j'ai pu faire la paix avec moi-même et réaliser que je n'étais pas un monstre... Et j'ai pu aimer enfin - en commençant par m'accepter moi-même.
Comme je ne voudrais pas qu'une jeune personne vive dans un tel trouble injustifié, j'espère t'aider à voir un peu plus clair par mes ma réponse.
Tu dis :
Seulement, je me demande si je suis bien normale.
Il n'y a pas de normalité, juste des gens, tous différents. Les hétéros sont plus nombreux que les homos et les bis, c'est tout.
Ne te compare pas aux autres, à leur sexualité, à leur maturité, aux choses qu'ils font ou ont déjà accomplies au même âge que toi. Tu es telle que tu es, et tu avances à ton rythme dans la découverte de ton orientation. Tout cela t’appartiens, c'est ta personnalité autant que les parfums de glace que tu aimes, ou la couleur que tu préfères, ou toutes les choses que tu rêves de faire quand tu seras plus grande.
Aimer les femmes a 14 ans ?
Il n'y a pas d'âge pour se découvrir.
Je connais des personnes qui ont toujours su, depuis la maternelle - oui oui - qu'elles étaient homosexuelles, avant même de mettre un nom dessus et de comprendre ce que ça impliquait! Et d'autres qui découvrent très tard, parfois après 50 ans, que la raison pour laquelle elles ne se sentaient pas si bien dans leur vie était qu'elles avaient toujours pensé être hétéro, alors qu'elles étaient homo ou bi.
Si tu penses que tu aimes les femmes, alors c'est sans doute le cas. Pour l'instant, c'est ce qui compte. Ce que tu en penseras dans 10 ans, dans 30 ans, nul ne le sait, nul ne peut le juger. Tu n'as pas à te justifier, tu n'es pas non plus forcée d'en parler à tous le monde. C'est ton évolution, ta découverte de toi et de tes désirs.
Prends ton temps pour vivre, avoir des expériences, te tromper ou réussir, mais ne doute jamais de ce que tu ressens au creux de ton cerveau/ton cœur/ton ventre.
Et pire, je me demande si je ne suis pas complètement lesbienne !
Peut-être que oui, peut-être que non.
Je pense que ça n'a pas d'importance, au moins pour l'instant. Si tu rencontres une femme qui te plait, dont l'âge te correspond, et avec qui tu veux sortir, tu pourras lui dire que tu aimes les femmes, sans besoin de préciser si tu es bi ou lesbienne. Si tu rencontres un garçon de même, tu pourras lui expliquer que tu aimes aussi les femmes si tu le souhaites, mais rien ne t'oblige à te coller une étiquette définitive sur le front.
Il arrive que des personnes sortent pendant des années avec un seul sexe (qu'elles soient homo ou hétéro), et puis un jour, BAM! elles rencontrent quelqu'un de l'autre bord qui fait battre leur cœur. Parfois, ça veut dire qu'elles ont changé, et ça n'a rien de bizarre ; parfois, ça veut juste dire que pendant des années elles n'avaient pas rencontré quelqu'un de ce sexe là qui leur plaisait assez, mais qu'elles étaient malgré tout bi depuis le début ; et enfin, il est aussi possible que ce soit ce nouvel amour qui soit une exception dans leurs vies, ça arrive aussi.
Tu croises des femmes qui te plaisent très fort, et des hommes qui te plaisent moins. Pour l'instant, seule toi sait ce que ça veut dire pour toi. Moi, je trouve très très peu de garçons à mon goût, et plein plein de femmes au contraire. Et pourtant, je suis bi et pas lesbienne.
Dans tous les cas, se définir lesbienne ou bi, ça ne regarde que toi! Si un jour tu as envie de t'afficher comme bi ouvertement, ce sera tout autant légitime que de se dire lesbienne ou hétéro, et vice-versa. Mais personne n'aura le droit de te coller cette étiquette à ta place, ni de juger de la validité de cette définition.
Mais le problème, c'est le regard de la société.
C'est toujours le seul problème, qu'on soit homme ou femme, hétéro, homo ou bi, trans* ou cis*, noir ou blanc, ou de telle ou telle religion.
Il faudra apprendre à vivre avec, à te confier à des personnes de confiance, à te méfier des endroits où il y a des gens méchants, intolérants, homophobes... Et il faudra aussi que tu sois fière d'être qui tu es, que tu n'aies pas honte, que tu gardes la tête haute et le sourire, car si tu es sûre de toi, les autres auront moins de chance de te faire du mal.
Je ne veux pas qu'on me colle une étiquette de "Gouinasse". Je ne suis pas prête à assumer les insultes.
Personne n'est prêt à assumer les insultes. C'est quelque chose d'horrible d'être maltraité pour ce qu'on est. Mais les gens sont parfois cruels, et ils insultent les personnes qui n'ont pas la même couleur de peau, la même religion, la même corpulence, la même taille, la même intelligence, la même chance sociale, (etc.), la même orientation, le même sexe qu'eux... Ainsi vont les choses, et à toi d'être forte. Ça viendra, ne t'inquiète pas.
Rien ne te force à crier sur les toits que tu aimes les femmes, rien ne te force à dire tout ce que tu ressens aux gens qui ne t'aiment pas.
Et avec le temps, tu feras ta place, tu créeras ton petit monde, entourée de ceux qui t'aiment et que tu aimes, les gens qui te respectent telle que tu es, et quelle que soit ton orientation.
Sur ce point d'ailleurs, le jour où tu en parleras avec tes proches, tu verras, tu auras des surprises j'en suis certaine. Car si parfois certains disent ne pas aimer les homos, quand il s'agit d'une personne qu'ils aiment, peu à peu, ils changent d'avis. Tout n'est pas noir ou blanc... Tu peux garder espoir en l'avenir.
je vous demande comment vous, vous le vivez et surtout si je suis normale !
J'ai commencé mon message en te disant que pour moi, à ton âge, ça avait été très dur. Mais qu'après, quand j'ai compris que je n'avais rien à me reprocher, tout s'est arrangé. Et c'est vrai! J'en ai parlé à mes proches de l'époque, et à part un ou deux, tout le monde a été très gentil, car après tout, si j'aime les femmes ça ne regarde que moi. Et aujourd'hui, quand je discute avec mes amis, ça ne choque personne. Même, certains collègues de mon travail sont au courant, alors que d'autres non ; j'en parle à ceux en qui j'ai confiance uniquement. Tu vois, je le vis bien, très bien même. Ça fait partie de qui je suis, autant que tout le reste.
Faire partie d'associations LGBT* ou de lieu spécifiques comme ce forum m'y a aidé entre-autre. Ainsi, je n'étais plus seule dans mon coin. Peut-être que ça t'aidera aussi, en temps voulu.
La première fois que je suis tombée amoureuse d'une fille, je devais avoir 8 ans, mais je n'ai pas vraiment compris ce qui m'arrivait. La première fois que j'ai désiré faire l'amour avec une femme, j'avais ton âge, presque 15 ans, et celle qui m'avait plu était incroyablement belle et sexy... Mais j'ai eu très peur de ce que je ressentais et ne lui ai rien dit. Tu vois, c'était très bête, car il n'y a rien de mal à ça! au pire, elle m'aurait sans doute répondu qu'elle ne ressentait pas ce genre d'attirance à mon égard. J'aurais été malheureuse, c'est sûr, mais au moins j'aurais su, et j'aurais dit ce que j'avais sur le cœur.
Contrairement à Tory qui a répondu juste au dessus, j'ai aujourd'hui deux amoureux homme et femme - oui ça existe et ce n'est pas sale, si ça correspond à toutes les personnes impliquées - et je suis vraiment épanouie.
Il y a des bi qui sont en couple homo, ou hétéro, pendant de très longues années, et sont heureux comme ça. D'autres qui ont des aventures, d'autres qui sont seuls, d'autres qui alternent hommes et femmes, d'autres qui doutent, d'autres qui trouvent sur le tard quelqu'un qui leur va, et d'autres qui ne trouvent pas. Chaque bi est différent, comme chaque hétéro, comme chaque homo, comme chaque humain.
Je n'ai pas choisi de ressentir tout ça pour les femmes, et pour les hommes. Je suis comme ça, et en fait, j'en suis très contente!
J'espère avoir réussi à te montrer qu'il n'y avait rien d'anormal dans ce que tu vis, et que tu pouvais garder le sourire et foi en l'avenir.
Des bises et profite de la vie.