Lettre de métal

[Clara15]

Certaines choses ne vont pas chez moi. Malgré mon âge, j'ai complètement perdu foi en l'amour. Mais complètement. C'est vraiment triste à dire, mais à chaque fois je pense à la fin et je fini par tout foutre en l'air parce-que cela sonne finalement faux à mon oreille. Comme si... C'était vide de sincérité. Comme si j'avais l'impression que l'autre était stupide de croire que je suis compatible à ce genre de trucs. Comme si moi, je lui cachais la vérité, je savais que ça n'était pas possible mais je lui cachais pour ne pas le vexer. Comme si je faisais semblant. Et que l'autre découvrirait la supercherie un jour ou l'autre.

Est-ce normal à mon âge de ne rechercher que des relations légères, ou j'arrête tout au moment où la personne s'attache ? Comme si j'en avait peur ?
(Pour tout dire je suis toujours en couple avec mon premier amour mais notre relation se transforme en quelque chose de bizarre. Je l'aime plus comme ma soeur maintenant que comme ma chérie. D'autres part nous ouvrons notre couple sans cachotteries. Histoire de voir si l'herbe est plus verte ailleurs et à quel point c'est merdique par rapport à nous... Jusqu'au moment où tu tombes sur quelque de "pas merdique", justement...)

Je l'impression d'être dégoûtée par l'amour. Comme si je prenais ça pour une défaillance intellectuelle. Une source de souffrance. Je sais que ce n'est pas vrai, je l'ai vu. Pas la peine d'essayer de me persuader du contraire. J'ai l'impression de virer folle. D'être à côté de la plaque.
Vais-je être comme ça toute ma vie ?
Tout ce que les nanas de mon âge attendent, c'est un Augustus Waters venant les draguer.
Et moi ?
Je brise tout sur mon passage. Je commence des relations et je les arrête brutalement sans raison valable. Une raison que j'essaie à chaque fois de fabriquer. Et je me fais traiter de salope. Est-ce que je suis une salope ?
Pourtant je n'arrive pas à me passer de ça.
Mais faire traîner les choses en longueur virant fleur bleue au fil du temps m'ennuie.
J'ai l'impression que l'autre ment ou alors ne se rend pas compte qu'il ment. Parce-que c'est un ado. Il pense tout de suite que c'est le grand amour etc alors qu'en fait, "deux heures et un paquet de biscuits au chocolat plus tard, c'est oublié."
Je m'attache à mes partenaires, j'aimerais les garder. Mais je n'arrive absolument pas à leurs démontrer du vrai amour... Ou alors j'invente.
Tout ça est né depuis la fin d'une relation qui m'a détruite et depuis rien a bougé. Je continue à être comme ça, à ne pas faire confiance aux gens... Ça m'inquiète sérieusement. Quelqu'un connaît-il ce sentiment ?
C'était plus pour me confier. Merci d'avoir lu.

[Chanterelle]

Je brise tout sur mon passage. Je commence des relations et je les arrête brutalement sans raison valable. Une raison que j'essaie à chaque fois de fabriquer. Et je me fais traiter de salope. Est-ce que je suis une salope ?
Pourtant je n'arrive pas à me passer de ça.
Mais faire traîner les choses en longueur virant fleur bleue au fil du temps m'ennuie.
J'ai l'impression que l'autre ment ou alors ne se rend pas compte qu'il ment. Parce-que c'est un ado. Il pense tout de suite que c'est le grand amour etc alors qu'en fait, "deux heures et un paquet de biscuits au chocolat plus tard, c'est oublié."
Je m'attache à mes partenaires, j'aimerais les garder. Mais je n'arrive absolument pas à leurs démontrer du vrai amour... Ou alors j'invente.

Sans raison valable ou parce que tu t'aperçois que ça ne correspond pas à tes attentes ?
C'est quoi "longueur" pour toi ?
C'est quoi le grand amour ?
N'y en aurait-il qu'un seul ?
Comment démontrer du vrai amour ?
Qui décrète que celui-là est vrai ?

L'amour se construit, il me semble et ça n'est pas forcément compatible avec le toujours plus et le toujours mieux et plus vite.
Bref, de l'indulgence et du temps envers les autres et pour toi-même.

[Desmodromique]

Je rejoins l'avis éclairé de Chanterelle.

Pour l'heure tu as peut-être surtout envie de découvrir plein de choses et de personnes différentes, de te laisser porter par la nouveauté, de vivre tes coups de cœur sans tirer de plans sur la comète. Tu ne ressens pas l'envie de construire quelque chose sur un plus long terme : et où est le mal ?

Perso, je crois que cette notion de "grand amour" est totalement artificielle. On vit plein d'attachements multiples au cours de sa vie, attachements plus ou moins longs, plus ou moins simultanés. Ce qu'on appelle l'amour, c'est quoi ? Notre vocabulaire est bien pauvre pour faire la distinction entre tous les types d'attachements / affections possibles.

Faire le choix de construire un bout de vie avec quelqu'un ne sous-entend pas, contrairement à ce que notre environnement culturel depuis la plus tendre enfance veut nous faire croire, que ça DOIT toujours être le feu d'artifice permanent ; on peut être bien avec quelqu'un parce qu'on a une communauté de valeurs, des envies partagées, des projets qu'il nous botte de mener ensemble à terme, au point qu'on trouve plus plaisant de vivre ensemble que chacun dans son coin. Mais ça ne veut pas dire qu'il faut devenir fusionnel, passionnel à tout prix, etc. Tu sais, la passion (le truc qui te prend aux tripes et te rend aveugle à tout ce qui n'est pas ton élu-e), statistiquement ça dure 2 ans...

Pour te dire, je vis depuis 9 ans avec quelqu'un avec qui c'est rarement passionnel mais qui m'est, sous d'autres rapports, infiniment précieux et avec qui je partage beaucoup de choses. J'aime partager mon quotidien avec cette personne, j'aime cette communauté de valeurs (pour reprendre ce que je disais plus haut) qui nous unit. Nous vivons ensemble mais nous considérons que nous n'appartenons pas l'un à l'autre. Nous savons que d'autres personnes peuvent nous plaire, nous donner envie d'avoir des attachements "hors-couple", et c'est un paramètre dans notre vie de couple que nous avons réglé à notre guise (certains couples se jurent exclusivité, pas nous). Comme dit Chanterelle, "l'amour se construit et ça n'est pas forcément compatible avec le toujours plus et le toujours mieux et plus vite."

Bref, vis ta vie, fais tes découvertes et cultive celles qui te plaisent le plus. Pour ce qui est des "dommages collatéraux", peut-être peux-tu simplement dès le départ faire part à tes nouvelles conquêtes de tes questionnements ? Les "prévenir", en quelque sorte, que ton affection du moment peut être sans lendemain ? Ca ne rendra pas forcément la rupture moins douloureuse mais tu auras été claire et honnête, et tu n'auras pas à chercher de prétexte pour sortir d'une relation.
L'honnêteté, vis-à-vis de soi et des autres, c'est le plus important.

[Clara15]

Bonsoir,
Désolée pour la réponse tardive, je suis en vacances et la wifi marche une fois sur deux.

Chanterelle, c'est vrai que ces questions n'ont pas de réponse à proprement parler.
Juste avant avoir posté ceci mon frère me parlait de son ex et de ce qu'elle est devenue. Apparemment elle passe sa vie à se saouler et divaguer entre plusieurs relations sans lendemain. Il a qualifié ça de triste, qu'elle était devenue une épave et qu'elle n'avait "pas beaucoup de respect pour elle-même." Comme si elle faisait ça pour son ego. Pour se prouver qu'elle peut toujours plaire aux autres.
J'ai pensé que j'étais pareille.
Ce qui m'interpelle c'est qu'à chaque fois que je commence une relation, je pense tout-de-suite au temps que cela va me prendre et à la façon dont ça va se finir. Aussi, malgré l'affection que je porte à l'autre, je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il/elle est un peu stupide de penser que ça peut fonctionner avec moi. Je pense cela inconsciemment et quand je m'en rend compte, je culpabilise et refoule tout-de-suite cette idée. Je n'ai jamais pensé ça de ma vie auparavant. Alors, je me demande si ça n'est pas dû à ma rupture et si je serais comme ça toute ma vie..
Quand j'entends parler d'autres adultes... Machin était mariée avec machin depuis 22 ans et machin l'a aussitôt quitté après avoir appris - par aveu de machin lui même! - qu'il avait eu, la veille, une aventure avec une autre femme.
Je me demande si je n'ai pas un pet au casque.

Desmo, ce que tu évoques me parle beaucoup. Oui, j'imagine que c'est la société et notre culture qui nous met ça dans la tête. Peut-être aussi parce-que les gens se sentent "à l'aise", "en sécurité" de savoir que leurs partenaire est leur propriété. Ne serait-ce pas la preuve d'un manque collectif de confiance en soi ?

Mais, d'une façon quelconque, je n'arrive pas à me dire que je suis normale. C'est quelque chose que "je dois cacher". Je ne suis pas à l'aise avec ça. Même si la normalité est une notion elle aussi artificielle... Maintenant la société est là, dominante, gouvernante, ne devrais-je pas essayer de rentrer dans le moule ?

Merci pour vos réponses. Bonne journée, nuit, c'est selon.

[Pierro stardust]

ne devrais-je pas essayer de rentrer dans le moule ?

Tu peux essayer, mais je doute que ça fonctionne...

[Desmodromique]

Peut-être aussi parce-que les gens se sentent "à l'aise", "en sécurité" de savoir que leurs partenaire est leur propriété. Ne serait-ce pas la preuve d'un manque collectif de confiance en soi ?

C'est ce que je crois aussi. Ma peur ou ma jalousie, quand j'en ressens, sont pour moi les symptômes d'une baisse de confiance en moi. Et ça, ça se travaille.
Et puis il y a la peur d'être seul-e. Beaucoup de gens ne supportent pas d'être seul-es. Comme si l'autre donnait un sens à leur vie. Alors quand ils ont réussi à captiver quelqu'un (intéressant d'ailleurs, l'emploi de ce mot qui signifie quand même à la base "retenir captif", donc prisonnier...) ils voudraient pouvoir l'enfermer dans une cage dont seuls ils auraient la clé. J'ai une copine comme ça qui n'acceptaient même pas que ces chats divaguent dehors le soir, non, il fallait qu'ils restent à la maison la nuit, qu'elle les ait "sous la main". Ben avec son jules c'était pareil, il n'avais pas le droit de faire quelque chose sans elle (en dehors du boulot bien sûr). Il a fini par se barrer, tu penses...

Maintenant la société est là, dominante, gouvernante, ne devrais-je pas essayer de rentrer dans le moule ?

La connaître et en comprendre les règles, c'est bien pour pouvoir s'en affranchir intelligemment, c'est-à-dire y trouver l'espace nécessaire pour s'épanouir selon ses propres règles. Après, quand les règles de la société sont ou deviennent franchement injustes, il est légitime de vouloir non pas s'en affranchir mais carrément les changer : ainsi du mariage pour tous, par exemple.

Avance à ton rythme, selon tes règles, dans le respect de toi-même et des autres. La vie t'apportera, petit bout par petit bout, les réponses aux nombreuses questions que tu te poses.