To be or not to be... bi?

Quand les médias traitent de la bisexualité : presse, télévision, internet...
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Bixy
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To be or not to be... bi?

Message par Bixy » il y a 19 ans

par Béatrice Richard

D'accord, ils ont deux fois plus de chances d'avoir une date le samedi soir. Mais la vie n'est pas toujours rose pour les bisexuels.

Souvent, quand je dis à un gars un peu macho que je suis bi et que j'ai une copine, ses yeux s'allument et il me pose la question classique: est-ce que je peux regarder?» Rencontrée dans un café du Plateau, Sophie, 25 ans, jolie et enjouée, raconte l'anecdote le sourire en coin. Mais ce n'est pas parce qu'elle en rit que c'est drôle. «Les gens ne comprennent pas la bisexualité, résume-t-elle, philosophe. Ce serait beaucoup plus simple pour tout le monde si j'étais lesbienne à 100 %, même pour mes parents; ils sont sûrs que je ne suis pas encore "branchée", que je me cherche...» Jean-Luc, lui, évite de révéler sa vraie nature lorsqu'il fraie avec le milieu homo. «Quand j'ai avoué que j'étais bi à un gars qui me plaisait énormément, il m'a vite laissé tomber. L'idée que je fasse l'amour oral à une femme l'indisposait, pour ne pas dire plus. J'ai appris ma leçon.»

Un pied dans chaque monde, les bisexuels n'ont jamais eu leur propre «créneau». Jusqu'à aujourd'hui. Ici et là, dans plusieurs pays occidentaux, des associations de bis voient timidement le jour. Ainsi, depuis mai 1999, le gratin bi de Montréal se retrouve régulièrement aux parties Polyvalence du Fetish Funhouse Cabaret. «On voulait créer un espace social où les bisexuels pourraient parler ouvertement, quelles que soient leurs façons de vivre leur orientation sexuelle, de dire Viviane, l'une des trois organisatrices de l'événement. On voulait que nos soirées aident les gens à s'identifier sans peur en tant que bis.» La réponse du public a dépassé toutes les espérances. «La première soirée était purement expérimentale, a expliqué Tamara, une autre des organisatrices, à l'hebdo montréalais Hour. Personne ne savait trop à quoi s'attendre. À l'origine, nous ne pensions en organiser qu'une seule...»

Bisexualité: par ici la sortie

De là à parler d'une mode, il n'y a qu'un pas... que Catherine Deschamps, coauteure de Bisexualité: Le dernier tabou, refuse de franchir. «On devrait peut-être inverser les termes et dire que c'est la mode qui s'est emparée de la bisexualité», fait-elle remarquer. Qu'importe, la question bi est désormais sur toutes les lèvres. La vague atteint le Québec... avec 30 ans de retard sur les États-Unis, 17 ans sur la Grande-Bretagne et 5 ans sur le reste du Canada où des traditions commencent à s'ancrer (lire l'encadré «Bi Side Story»). Yves Bourgeois, cofondateur de Bi-Unité Montréal (BUM), association vouée à la cause, attribue paradoxalement cette lenteur à la plus grande tolérance (ou indifférence?) de la société québécoise: «Les mouvements se forment quand il y a un malaise, de grosses pressions, ce qui n'existe pas vraiment ici.»

Fugues, le magazine de la communauté gay et lesbienne de Montréal, pose néanmoins la question: «La prochaine "sortie" sera-t-elle bisexuelle?» En fait, c'est toute la francophonie bi qui émerge avec Bi-Cause en France (1995), le Groupe Bi de Vogay en Suisse (1996) et Bi-Unité Montréal au Québec (1998). Ces groupes militants font face aux mêmes résistances que leurs prédécesseurs anglo-saxons, en particulier auprès des gays et lesbiennes. Leur statut étant déjà mieux établi, ces derniers ne voient pas forcément d'un bon oeil cette orientation qu'ils jugent parfois «excentrique». «Les bis sont mal vus dans la communauté, confirme Claudine Metcalfe, militante lesbienne, journaliste à Fugues et collaboratrice à l'émission Sortie gaie. On les considère souvent comme des "pas branchés" qui s'affichent comme "bis" pour mieux faire accepter leur homosexualité par la société.»

Cela n'a pas empêché BUM de se joindre l'an dernier au Festival Divers-Cité de Montréal, qui regroupe depuis huit ans gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels. Discrètement... «On n'a pas défilé comme tel, précise Yves. La Fierté est pour nous l'occasion d'affirmer la diversité sexuelle à côté d'un certain "homocentrisme". Bien que nous ayons participé à l'événement, nous nous sentons un peu différents des autres.»

C'est que l'hétérogénéité des troupes bis ne facilite guère l'action militante. «Les bisexuels vivent des réalités très différentes, poursuit le cofondateur de BUM. Pour ceux ou celles qui gravitent dans un environnement homosexuel, les revendications se confondront plutôt avec celles des gays et lesbiennes. Pour ceux ou celles qui vivent dans un environnement hétérosexuel, les enjeux concernent plutôt le quotidien, les enfants, la famille.» Le fait d'être bi n'empêche pas de militer aux côtés des gays afin de faire valoir ses droits et de se faire accepter de la société. «Nous y avons tout intérêt, souligne Catherine Deschamps. Être bi, c'est, entre autres, être homosexuel. Les bis font donc face aux mêmes problèmes de discrimination.»

En double, serait-on tenté d'ajouter. Au pire, ils seront doublement rejetés, par les homos et les hétéros. Au mieux, ils seront doublement tolérés, mais aux conditions propres à chaque groupe. «Pour être acceptable du côté hétéro, la bisexualité doit plutôt se présenter comme un trip provisoire, une "expérience", explique Claudine Metcalfe. Dans certains milieux "branchés", c'est admis, et cela fait même chic de dire que l'on est passé de "l'autre côté", surtout s'il s'agit d'une femme. Car les hommes bisexuels ne sont pas bien acceptés dans les milieux hétérosexuels en général. Du côté gay, en revanche, on tolère mieux la personne qui affiche une certaine constance dans ses relations. Celui ou celle qui tombe en amour avec un homme, vit une belle relation pendant une ou plusieurs années puis, pouf! qui rencontre une femme, ça va... C'est la notion d'amour, d'attachement, de respect de l'autre qui compte. Pour quelqu'un qui est vraiment bi et veut vivre simultanément des expériences hétérosexuelles et homosexuelles, c'est extrêmement difficile. Il n'y a pas de place pour lui.»

Crise d'identité

On l'aura compris, à part les soirées où l'on s'éclate entre bis, point de salut. L'association BUM comble donc un sérieux besoin. «Dans le milieu gay ou hétéro au Québec, on commençait à dire des choses sur la bisexualité, explique Yves Bourgeois. Or, les bisexuels n'avaient pas de "territoire" à eux, où évoluer, où se démarquer. Certains évoluaient dans les milieux gays ou lesbiens, d'autres dans les milieux hétérosexuels. Mais beaucoup ressentaient le besoin de se rassembler, faute de trouver leur place dans un milieu ou dans l'autre. Ils avaient l'impression d'être seuls dans leur situation. C'était aussi mon cas. On voulait créer un endroit pour socialiser, démystifier la bisexualité, éduquer, informer, tant sur le plan homosexuel qu'hétéro ou bi.»

Faire le point, se retrouver, réfléchir, les bis en ont bien besoin. Dans un monde sexuellement bipolaire, résolument divisé en hétéros et en homos, ils sont en quête d'une identité propre. To be or not to be bi, là est la question. Certes, dans l'univers bi, la diversité des orientations sexuelles complique un peu la donne. Comme l'explique Michel Dorais, sociologue de la sexualité et professeur à la faculté des sciences sociales de l'université Laval, «on peut être attiré à la fois par des hommes et par des femmes, être attiré tantôt par des hommes tantôt par des femmes, être attiré par le féminin et par le masculin, simultanément ou successivement...»

À cela se superposent des trajectoires amoureuses plus ou moins emberlificotées: bis en couples hétéros, homos ou... bis, relations exclusives ou avec option sur amant(e)s réguliers ou de passage, ménages à trois, etc. «On peut vivre divers types de bisexualité, poursuit le chercheur. Cela peut répondre à un besoin d'exotisme ou à un désir de transgresser un interdit. Il y a aussi la bisexualité «transitoire», que l'on retrouve chez des individus en train de passer d'une préférence sexuelle à une autre. Par exemple, un homme qui se croyait homosexuel se découvre un attrait pour une amie, qu'il finira par épouser. D'autres personnes bisexuelles ont un érotisme "à deux étages", soit un érotisme "principal", homo ou hétéro, et un érotisme "secondaire", parfois clandestin. Par exemple, certains hommes mariés ont parfois l'impression de ne pas tromper leur épouse lorsqu'ils ont des rapports avec des hommes... Mais il y a aussi les bisexuels "à parts égales", qui aiment autant un sexe que l'autre. Enfin, n'oublions pas les ambisexuels, qui demeurent plus ou moins indécis dans leur préférence; et cela peut durer des mois, des années, toute la vie...»

De quoi déranger les esprits les mieux disposés. Qui ne se souvient pas de la réaction du personnage principal d'Ally McBeal, lorsqu'elle apprend la bisexualité d'un prince charmant potentiel? A priori ouverte et émancipée, la jeune femme ne supporte pas d'imaginer son homme idéal dans les bras d'UN autre. Ce genre d'attitude n'étonne aucunement Michel Dorais: «Les hommes et les femmes à l'érotisme ambigu (les ambisexuels) ou à l'érotisme double (les bisexuels) sont les trouble-fêtes de l'intégrisme identitaire. Ils nous rappellent surtout que tout le monde n'est pas forcément "d'un bord ou de l'autre", comme dit l'expression populaire.»

Bousculant nos schémas traditionnels, l'expérience bi trouble car elle montre la fragilité d'identités et de rôles sexuels que l'on tenait pour acquis. Freud lui-même considérait que nous sommes tous bisexuels à la naissance, l'orientation de chacun se construisant au fil des expériences individuelles et en fonction des conventions sociales. Même son de cloche chez l'anthropologue Margaret Mead, qui déclarait: «Une très large proportion de l'humanité, probablement la majorité, a un potentiel bisexuel.» Quant à Alfred Kinsey, pionnier de la sexologie, il refusait de classer les orientations sexuelles dans des casiers, préférant les situer dans un continuum, selon une échelle allant de zéro (100 % hétéro) à six (100 % homo).

La fierté bi

Mais au fait, combien d'entre nous s'inscrivent dans cet «entre deux» incertain? Difficile à évaluer, d'autant plus que les bis eux-mêmes hésitent à s'afficher comme tels. Pudeur ou ignorance? Peut-être les deux, souligne une enquête récente qui fait autorité. Menée en 1994 par le sociologue Edward O. Lauman de l'Université de Chicago, Sex in America démontre qu'il existe plus de personnes ayant des fantasmes bisexuels que de personnes se définissant ouvertement comme bisexuels.

Nombreux aussi sont ceux et celles qui déclarent être passés aux actes (toujours sans s'affirmer bisexuels): un peu plus de 4 % des femmes disent avoir eu des relations sexuelles avec au moins une autre femme, et 9 % des hommes ont eu au moins une relation sexuelle avec un autre homme - 40 % déclarent toutefois que c'était durant leur adolescence.

Pour Michel Dorais, la bisexualité est probablement plus répandue que l'homosexualité: «On oublie souvent qu'il y a plus de personnes bisexuelles qu'homosexuelles exclusives. Toutes les enquêtes le montrent. Mais, pendant trop longtemps, on a catégorisé les personnes bisexuelles comme des "pas branchées". Ce qui, dans la plupart des cas, est faux.»

C'est l'avis de David, étudiant en économie de 27 ans. «J'aime les deux façons d'aimer et je ne vois pas au nom de quoi je m'interdirais l'une ou l'autre. Le choix hétéro ou homo m'apparaît comme une restriction.

Certains pensent que les bis ont une double vie! Ce n'est pas forcément vrai. Je n'ai jamais de relations simultanées. Question de fidélité, sûrement.» Catherine Deschamps met aussi les points sur les «bis»: «Comme les hétéros ou les homos, les bis sont parfois infidèles, mais ni plus ni moins!»

Dans un rapport publié en 1998, le chercheur canadien Barry Adam et son équipe affirment pour leur part que l'identité gay (ou bisexuelle) dépendrait moins des rapports sexuels que des relations affectives entretenues avec des personnes du même sexe. Autrement dit, l'amour serait le facteur le plus déterminant de l'identité érotique. «Pour moi, le fait que ce soit une femme ou un homme est presque secondaire, conclut David. C'est la personne qui compte.» Comme quoi l'amour est enfant de bohème qui n'a jamais, jamais connu de loi...

Bi side story

Chez nos voisins du Sud, les bis ont commencé à sortir du placard dès 1970, en grande partie grâce à Maggi Rubenstein, thérapeute, sexologue et avocate. Première bisexuelle à avoir fait son outing auprès de ses collègues du Center for Special Problems, l'experte a lutté pendant des années pour faire reconnaître dans les milieux gays la bisexualité comme une orientation sexuelle à part entière. Non sans résistance, puisqu'il faut attendre 1987, lors de la marche de Washington défendant les droits des gays et lesbiennes, pour voir 75 personnes marcher pour la première fois derrière une banderole à message bisexuel.

Et ce n'est qu'en 1995 que la San Francisco Lesbian and Gay Freedom Parade est rebaptisée la San Francisco Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Pride Parade. On compte aujourd'hui 351 organisations bis aux États-Unis.

Au Canada, la Colombie-Britannique prépare activement, pour le 12 août prochain, la 5e édition de la British-Columbian Conference on Bisexuality, Gender, and Sexual Diversity. Lancé modestement en 1996, l'événement réunissait à l'origine une centaine de personnes. Depuis, l'événement a pris des proportions gigantesques, offrant cette année pas moins de 25 ateliers abordant toutes sortes de sujets, une dégustation de vins et fromages, des spectacles, de la danse, un barbecue...

Coeur de BUM

Les activités de Bi-Unité Montréal sont diversifiées: sorties au cinéma ou à la cabane à sucre, camps d'été, spectacles-bénéfices, go-kart, cueillette de pommes, soirées billard...

Autant de façons de fraterniser avec ses semblables. En tout bien tout honneur, car l'association se défend d'être une agence de rencontres ou un club de swingers!




Source : http://www.canoe.qc.ca
Bixy

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