La Fabrique du féminisme

Quand les médias traitent de la bisexualité : presse, télévision, internet...
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Ascagne
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La Fabrique du féminisme

Message par Ascagne » il y a 11 ans

Article sur le site du Nouvel Obs :

Chez Violette and Co - la librairie parisienne féministe et LGBTQI [1] par excellence - Geneviève Fraisse répond aux questions de Catherine Florian sur La fabrique du féminisme, paru le 8 mars 2012 aux éditions Le Passager clandestin.

Catherine Florian souligne que Geneviève Fraisse s'est employée tout particulièrement à mettre en évidence et à étudier l'historicité de la différence des sexes, par delà l'opposition nature-culture, qu'elle juge dépassée. Ce qui importe, c'est de montrer que "la différence des sexes fait histoire, qu'elle est un des éléments de production d'histoire, dans la pensée comme dans le réel politique. L'historicité - le fait que les sexes feraient histoire - annule le choix à faire entre nature et société : l'historicité est la seule chose qui permette d'échapper à la binarité, elle ne s'oppose à rien. [...] Dans l'histoire de ces deux derniers siècles, qu'on reprenne le travail féminin, l'accès des femmes au savoir, les guerres, on voit bien que la différence des sexes produit de l'histoire. Prenons la guerre de 14, les hommes comme héros et les femmes comme support de reproduction, y compris celle des bombes : on n'a jamais pris la mesure dont ça pouvait produire de l'histoire, de la répression que les femmes vont subir à la sortie de la guerre et de la transformation d'une société dans son ensemble." (La fabrique du féminisme, p. 107)


Geneviève Fraisse évoque Julie Victoire Daubié, la première bachelière française : "Face à l'absence d'interdiction de passer le baccalauréat pour les femmes, elle se présente dans plusieurs académies et finit par s'inscrire à Lyon, avec la complicité d'un saint-simonien, Arlès Dufour. Julie Daubié trouve le moyen de se faufiler au travers des règlements qui ne disent pas clairement l'exclusion : elle obtiendra son diplôme en 1861" (La fabrique du féminisme, p. 330).


Julie Daubié, c'est aussi celle qui estimait que les femmes bénéficiaient de plus de libertés avant la Révolution, ce qui a conduit Geneviève Fraisse à forger le concept de "contretemps historique".

"Le contretemps de l'émancipation des femmes", c'est aussi lorsqu'il est dit aux femmes que le moment ne se prête pas à leur libération. Par exemple, "quand elles militent pour la révolution, on leur dit qu'il est plus urgent de faire lutte commune (lutte des classes), et que la question de l'égalité des sexes, de leurs droits, viendra plus tard." (La fabrique du féminisme, p. 380)

Ce concept est aujourd'hui pertinent pour analyser les risques de régression en matière de droits des femmes que paraissent présenter les révolutions arabes. Dernier exemple en date de la réversibilité des droits acquis par les femmes : le 4 août dernier, la commission Droits et libertés de l'Assemblée constituante tunisienne a adopté un projet d'article évoquant la "complémentarité" de la femme avec l'homme. Or qui dit complémentarité de la femme avec l'homme dit secondarité et non plus égalité [2].


Enfin, Geneviève Fraisse souligne la nécessité d'"habiter la contradiction" de "s'installer, sans la nier, dans la contradiction" [3], de suspendre son jugement en prenant la mesure des problèmes ou des conséquences possibles des solutions pour lesquelles l'on serait tenté d'opter, plutôt que de se prononcer d'emblée, et dogmatiquement, pour ou contre la prostitution, le port du voile, les mères porteuses... De façon réfléchie et assumée, Geneviève Fraisse restitue dans La fabrique du féminisme "quelques choix et beaucoup de problèmes" (p. 25) de ses près de quarante années de recherches et d'engagement féministes. Or depuis mai 2011, la ritournelle masculiniste a été particulièrement lancinante : un troussage de domestique n'est pas un viol violent et d'autant moins que le trousseur est un "séducteur" pulsionnel ; une suite au Sofitel et les violences qui ont pu s'y commettre, c'est du privé ; l'on ne saurait prendre au sérieux la parole d'une femme, d'autant moins lorsqu'elle est noire, femme de chambre et qu'elle accuse un présidentiable ; les prostituées sont aux yeux de DSK des sous-femmes puisqu'il n'aurait pas consenti à les maltraiter s'il ne les avait pas prises pour des libertines ; d'autres, cependant, assurent que c'est un métier comme un autre et qu'il est nécessaire à l'assouvissement de pulsions masculines irrépressibles ; les femmes qui ont participé aux révolutions en Tunisie, en Egypte, en Lybie seraient bien inspirées de rentrer chez elles et de laisser les hommes décider à leur (à eux) de leur sort (à elles) ; Valérie Trierweiler devrait apprendre à se taire, à ne plus tweeter ni écrire car les Français se demandent avec angoisse "Qui est le chef" ; les parlementaires de droite voudraient que les lycéeNnes ignorent que les devenirs femme ou homme sont contingents et que l'hétérosexualité n'est pas obligatoire ; les ministres en robe doivent craindre d'être sifflées à l'Assemblée pendant que dans les rues les hommes, harcelés par les corps féminins non voilés des pieds à la tête, ont des poussées de pulsions harcelantes, insultantes... La fabrique du féminisme fournit nombre d'éléments permettant de faire la généalogie et l'analyse de ces discours antiféministes. Partant, elle nous met en mesure de les déjouer.

Sylvie Duverger

La vidéo de l'interview sur Vimeo
Mon beau-frère Silvius tient le Biplan, un blog sur la bisexualité (actualités, militantisme, réflexions de fond). Passez donc voir, si le coeur vous en dit :
https://lebiplan.wordpress.com/

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