Le genre, l'éducation, la recherche... et les réacs

Quand les médias traitent de la bisexualité : presse, télévision, internet...
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Ascagne
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Re: Le genre, l'éducation, la recherche... et les réacs

Message par Ascagne » il y a 10 ans

Le collectif "Genre, recherche, éducation, la bonne rencontre" a publié aujourd'hui dans Libération une lettre ouverte accompagnant les 12 000 premières signatures :
12 000 signatures en faveur de l’égalité, du genre et de la liberté (Libération, 17 février 2014)

Lettre ouverte aux Ministres de la République,
Mesdames Najat Vallaud-Belkacem,
Geneviève Fioraso,
Valérie Fourneyron et
Monsieur Vincent Peillon.


Genre, recherche, éducation : avançons !

La rumeur court depuis plus d’un mois, les contre-vérités circulent, les prises de parole s’enchaînent, se reprennent, se contredisent, s’oublient. Certains récupèrent ces mouvements d’opinion, d’autres menacent, d’autres encore retrouvent avec nostalgie leurs livres d’enfance et les stéréotypes de leur jeunesse. On brocarde, sans les connaître, des ouvrages de la littérature enfantine, on lance des anathèmes, on ricane quand le mot « genre » est prononcé, on manipule à coup d’affirmations les plus choquantes et les moins fondées. Pendant ce temps, d’autres font pression sur les bibliothécaires, d’autres encore sur les professeurs des écoles, les enseignants des collèges et des lycées, les chercheurs, les parents d’élèves.

Aujourd’hui, Mesdames et Monsieur les Ministres, chargés du droit des femmes, de l’éducation nationale, de la jeunesse, de l’éducation populaire, de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est avec l’élan de 12 000 signatures recueillies en une semaine par la pétition publique « Les études de genre, la recherche et l’éducation : la bonne rencontre » que nous nous tournons vers vous. C’est avec la franchise de ces 12 000 voix relayées par une trentaine de comités universitaires et de nombreuses associations et institutions reconnues par vos ministères que nous vous adressons cette lettre ouverte, pour vous dire solennellement et publiquement : avançons !

« Avançons », cela signifie, tout d’abord : cessons de reculer ! Refusons les concessions ou la fuite face à des personnes et à des groupes non identifiés, et, s’ils le sont, minoritaires. Cessons d’accorder du crédit à des exigences venues de milieux dont les attaques sur le genre ne sont que l’arbre d’une forêt de revendications multiples, haineuses et contradictoires.

« Avançons », Mesdames et Monsieur les Ministres, cela implique, pour vous, de vous adresser clairement et d’une seule voix à vos concitoyens, les assurer de votre soutien dans les domaines qui sont de votre responsabilité : défendre les travaux scientifiques sur le genre, lutter contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie, poursuivre le combat pour l’égalité de tous, des femmes et des hommes, des filles et des garçons, d’où qu’ils viennent et quel que soit leur nom, leur origine, leur quartier d’habitation ; c’est poursuivre votre lutte contre les discriminations de toute nature, qui conduisent trop souvent à exclure aussi bien au nom du sexe et de la sexualité qu’au nom de l’âge, de la couleur de peau ou du handicap ; c’est poursuivre sans relâche le combat pour faire vivre une école moderne, laïque ouverte à toutes et à tous. C’est, enfin, affirmer avec force la liberté de la pensée et de la recherche.

Cette égalité, ces libertés, Mesdames et Monsieur les Ministres, sont aujourd’hui menacées. Les cris, les diffamations, les rumeurs et le mépris sont autant de pression sur les étudiants, sur les chercheurs, sur les enseignants isolés par l’absence de soutien audible de votre part (et que dire quand ces chercheurs, ces étudiants, ces parents sont eux-mêmes personnellement concernés par ces attaques ?) Laisser ces voix minoritaires répandre leurs injonctions sans les démentir, c’est une façon de laisser dire. C’est laisser s’installer le doute dans les esprits et l’autocensure dans les pratiques : l’enseignement, la recherche, les relations humaines. C’est laisser le régime de la peur dessiner un nouveau paysage dans notre société.

Défendre cette égalité et ces libertés, Mesdames et Monsieur les Ministres, c’est, dans un front commun entre vos quatre ministères, redonner leur sens aux mots, c’est refuser de laisser à certains le pouvoir de changer la langue. Ces libertés, aujourd’hui, passent par l’usage d’un mot, celui qui désigne un outil de la recherche actuelle, depuis plus de quarante ans, dans des champs aussi variés que les humanités, les sciences sociales, les sciences de la vie – ce mot, c’est celui de « genre ».

Le genre est une question et non une réponse. C’est un concept que les scientifiques du monde entier utilisent pour étudier les sociétés et analyser la manière dont elles fabriquent la distinction entre les hommes et les femmes et créent, dans les différents champs des pratiques humaines (travail, éducation, santé, sexualité, loisirs, soin aux autres, etc.), des hiérarchies, des inégalités, des injustices. En tant que telle, cette méthode d’investigation n’impose rien, elle ouvre de nouvelles perspectives d’analyse. Parce que le genre est un outil scientifique, sa remise en question, sous l’effet de certaines pressions, n’est pas admissible. Si demain les créationnistes descendent dans la rue, allez-vous proscrire l’usage du terme d’« évolution » dans les manuels scolaires et à l’université ?

Aujourd’hui, nous attendons de votre part non seulement une position ferme de soutien à la liberté de l’enseignement et de la recherche ainsi qu’un engagement réaffirmé dans la lutte contre les discriminations, mais nous attendons aussi des propositions et des avancées : l’usage assumé par vos services du terme de « genre », de réels moyens pour une meilleure formation des enseignants et des personnels en charge de l’éducation sur les questions de l’égalité, du genre et des sexualités, l’intégration de cours de sensibilisation durant la première année de tous les cursus universitaires (comme cela se fait déjà dans certaines facultés), la création d’une mission égalité au sein de chaque établissement d’éducation, le choix de manuels scolaires où la place des femmes n’est pas minorée et où la diversité des familles et des parcours de vie n’est pas taboue et, avant tout, une condamnation ferme de toutes les intimidations contre les enseignants et les chercheurs.

Mesdames et Monsieur les Ministres, aujourd’hui, nous attendons des actes.
La pétition est toujours ouverte : vous pouvez la signer ici et la diffuser !
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Re: Le genre, l'éducation, la recherche... et les réacs

Message par Ascagne » il y a 10 ans

Une nouvelle pétition de soutien, cette fois lancée par des enseignants et chercheurs en biologie et philosophie de la biologie, pour dénoncer le retrait du mot "genre" dans les discours et rapports du gouvernement. Le texte est lumineux et fait vraiment plaisir à lire. On peut signer la pétition ici.
Auteur: Collectif d'enseignants et chercheurs en biologie et philosophie de la biologie.

Cette pétition est ouverte à tous.

Suite aux débats concernant l'introduction des notions d'identité, de rôles et de stéréotypes sexuels dans les programmes de lycée puis de l'ABCD de l'égalité à l'école, le mot genre est peu à peu banni des ouvrages pédagogiques comme des discours ou des rapports politiques. En balayant ainsi d'un revers de main un champ d'étude riche de plusieurs décennies de travaux, le gouvernement choisit visiblement de satisfaire les revendications arbitraires d'un groupe de manifestants. Nous, enseignants et chercheurs en biologie et philosophie de la biologie condamnons ce marchandage du savoir avec des groupes de pression au mépris des connaissances scientifiques actuelles.

Les opposants au concept de genre avancent très souvent des arguments à prétention biologique pour appuyer leur propos. Ils construisent leur discours sur une supposée différence essentielle entre hommes et femmes, qui viendrait fonder un "ordre naturel". Ils appuient leurs idées sur des faits réels ou imaginaires, le plus souvent abusivement décontextualisés, extrapolés ou généralisés. En plus d'être naïve, une telle interprétation de la biologie est malhonnête et démagogique. Les connaissances scientifiques en biologie ne nous permettent en aucun cas de dégager un quelconque "ordre naturel " en ce qui concerne les comportements hommes-femmes ou les orientations et les identités sexuelles.

Ces organisations caricaturent les études de genre, dénonçant une hypothétique conspiration qui viserait, entre autres, à nier toute différence entre les individus ou à détruire la famille. Pourtant, le fait d'analyser les constructions sociales qui entourent la différence entre les sexes n'implique en aucun cas de nier la réalité biologique du sexe. De même, s'il y a effectivement des différences biologiques entre les hommes et les femmes, les sociétés humaines ne se réduisent pas à la biologie de l'espèce. Les sociétés humaines sont le résultat complexe de facteurs biologiques, psychologiques, sociaux ; c'est ce qui explique, d'ailleurs, que les études portant sur l’identité et l’orientation sexuelle ou sur les inégalités sociales entre les sexes relèvent de champs académiques diversifiés tels que la sociologie, l’anthropologie ou la philosophie, mais aussi les sciences biologiques. Aucune discipline ne saurait donc revendiquer la prétention de totaliser les études sur un objet aussi vaste et complexe.

Enfin, les opposants au concept de genre tentent insidieusement de déplacer le débat du champ de la politique à celui de la biologie, de manière à imposer un système de représentations. Cependant, ce système n’a rien de naturel ou d’universel, et en le proposant ses promoteurs usurpent les habits du sérieux scientifique. La science ne doit en aucun cas servir à conforter des préjugés et le devoir des scientifiques est de lutter contre la désinformation et contre les fausses utilisations du discours scientifique. Nous rappelons qu'aucune observation de la nature ne saurait avoir de prétention normative pour la société. Quelles que soient les conclusions scientifiques relatives aux origines des différences entre les hommes et les femmes, celles-ci ne doivent pas servir à légitimer l'inégalité entre les sexes dans nos sociétés et les inégalités ne doivent pas non plus être présentées comme des faits de la nature. La notion même d’identité sexuelle est structurellement humaine, et ne saurait donc être appréhendée par une approche seulement biologique. Il est donc inadmissible et vain d'instrumentaliser la biologie dans un débat concernant l'égalité sociale entre les individus, quels que soient leur sexe, leur identité ou leur orientation sexuelle. L'apprentissage de l'égalité ne peut se faire que par l'éducation et ce qui se passe dans la nature ne nous renseigne en aucun cas sur les décisions politiques que nous devons prendre.

En tant que scientifiques et citoyens, nous dénonçons fermement l’usurpation du discours scientifique pour imposer abusivement une idéologie inégalitaire.

Les signataires
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Re: Le genre, l'éducation, la recherche... et les réacs

Message par Bixy » il y a 10 ans

Très bon texte en effet, j'ai signé.
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Re: Le genre, l'éducation, la recherche... et les réacs

Message par Pierro stardust » il y a 10 ans

swanndeverdurin a écrit :Ca ne me plait pas mais ils m'ont rendue intolérante avec leurs conneries...j'en ai marre de devoir sans arrêt répondre par le raisonnement et la réflexion à un groupe de crétins haineux qui attendent tous les prétextes pour distiller leurs odieuses idées. Alors, oui, je suis peut être une conne intolérante mais j'assume.
Et oui,"heureux les simples d'esprit...", c'est toujours à ceux qui ont le plus de "gingin" de prendre sur eux et d'être diplomates...

Si on "craque" et qu'on rentre dans le jeu d'agression et d'intolérance des fachos et réacs de tout poil, on donne du poids à leur système de pensée pourri :roll:

Dur de garder son calme quand on est confronté à de l'intolérance archaïque de base, mais ya que çà à faire pour avoir une chance de faire évoluer les choses sur le long terme, un jour, peut-être....

Amida Buddha Rulezzzz :gloire:
"On devrait traiter les affaires légères avec le plus grand sérieux, et les affaires sérieuses avec la plus grande légèreté."
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Re: Le genre, l'éducation, la recherche... et les réacs

Message par Ascagne » il y a 10 ans

Un article intéressant défendant les études de genre et décortiquant les attaques qu'elles subissent : "Le genre, c’est de la science", par la philosophe Sandra Laugier, sur le site "CNRS, le journal".
EDIT : Il y a aussi "Ces recherches qui tiennent compte du genre", article de Laure Cailloce, qui présente plusieurs exemples de domaines de recherches utilisant le concept de genre. Utile pour montrer qu'il n'y a pas "une théorie" mais bien des champs de recherche variés !
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