C’est en général à l’époque de l’adolescence - période où se libèrent les pulsions et où se mûrit la vie affective d’adulte - qu’un jeune garçon ou une jeune fille ressent une attirance non seulement vers l’autre sexe mais également vers des jeunes du même sexe.

Généralement cette double attirance, très fréquente, restera fugace ou limitée à quelques expériences et, le temps passant, la maturation s’installant, le jeune s’orientera vers l’autre sexe dans la majorité des cas (hétérosexualité), ou dans d’autres cas vers le même sexe (homosexualité).

Les articles de cette rubrique ont été rédigés en 2004 par "HP", un spécialiste de la bisexualité, membre de notre forum.

Mais parfois cette double attirance demeure, à des degrés divers, et continuera dans l’âge adulte. On peut alors parler de « bisexualité ».

Face à la pression générale de l’ « hétéro normalité » et à une homosexualité de plus en plus reconnue, y compris socialement, l’adolescent ou le jeune adulte peut vivre longtemps dans le doute et souvent se sentir dans l’ obligation morale et sociale de faire un choix…qu’il sera bien sûr bien incapable de faire ! Car, pas plus qu’on ne « choisit » son hétérosexualité ou son homosexualité, on ne choisit pas sa bisexualité.

L’orientation sexuelle – qui n’est pas à confondre avec les notions d’identité de genre ou sexuée (voir infra), ni non plus avec ce qu’on appelle la « bisexualité psychique » (le « masculin » et le « féminin » qui, à des degrés très variables, sont plus ou moins en chaque individu, qu’il soit homme ou femme)- se construit dans les toutes premières années de la vie de l’enfant. C’est non seulement bien avant la puberté, mais aussi avant la période dite « oedipienne » (globalement entre 5 et 8 ans) que se construit la structure psychique de l’orientation sexuelle qui conditionnera la vie affective et sexuelle de l’adolescent et de l’adulte.

Elle est donc déjà faite lorsqu’arrive la période de la puberté et de l’adolescence, c’est à dire lorsqu’elle commence à pouvoir s’exercer concrètement. Il est donc évidemment illusoire de vouloir la changer, et, en ce sens, elle est en quelque sorte « imprévisible ».

Mais l’esprit humain, avec sa variété et sa richesse, ne se résume pas à un système qui serait simplement binaire. Par une sorte de conformisme réducteur, nos sociétés ont tendance à penser le monde de façon simpliste et «  confortable » et ce sur un fond de morale dualiste : homme/femme, bien/mal, riche/pauvre, blanc/noir, droite/gauche,…homo/hétéro… ; on mélange d’ailleurs, ainsi, le sexué, le genre et l’orientation sexuelle. Elles ont aussi tendance à réduire le hétéro/bi/homo « sexuel » à des pratiques physiques alors qu’il s’agit avant tout d’amour et /ou de sentiments.

L’ignorer ou se sentir obligé d’entrer dans ces moules préétablis est souvent pour les personnes bisexuelles, qui se sentent contraintes de s’insérer de ce fait dans ce système binaire, source d’une angoisse et d’un mal-être, en fait infondés, mais qui peuvent être déstructurants.

Le sexué est une réalité anatomique, physiologique et chromosomique ; en tout cas chez les espèces évoluées. .L’identité de sexe est donc le fait d’être biologiquement homme ou femme, mâle ou femelle ; elle est déterminée lors de la fécondation par les chromosomes (XY, XX). Les théoriciens s’accordent à dire que l’enfant prend conscience de son sexe et de l’existence de deux sexes différents très tôt: il est garçon ou fille.

La notion de genre est d’une autre nature. Elle se réfère à l’identité du sexe social et psychologique, c'est-à-dire la perception qui est acquise par l’enfant en fonction de son environnement en général et de son vécu relationnel ; la façon dont il perçoit et la façon dont il est perçu. Stoller la définit comme : « un système complexe de croyances que chacun a à propos de son propre sujet : un sentiment de sa masculinité ou de sa féminité ». Le genre et le sexué ne sont donc pas deux notions identiques, même si le biologique conditionne en principe la construction de l’identité de genre.

La sexualité est, elle, la capacité d’attirance du sujet pour un sexe ou pour l’autre, ou pour les deux. Il ne s’agit plus d’une construction purement individuelle (en quelque sorte égocentrique, centrée sur soi) mais d’une construction relationnelle (centrée sur la relation à l’autre et ses propres capacités de relation à l’autre). L’orientation sexuelle n’est ni le sexe, ni le genre, c’est la façon dont ces deux identités vont s’exercer du fait des expériences psychoaffectives et de l’émergence de la notion de plaisir chez le jeune enfant.

Celle-ci s’établit bien sûr en fonction de l’élaboration progressive de la notion de l’interaction don/plaisir : on donne parce qu’on reçoit et on reçoit parce qu’on sait donner.

S’il y a évidemment des imbrications entre ces différents traits de l’individu, elles ne sont nullement stéréotypées et automatiques comme on veut encore trop souvent le faire croire : l’homosexuel serait forcément « féminin » et la lesbienne «  garçonne  ».

Parce qu’elle est souvent cachée, mal comprise ou niée – y compris par la personne concernée, pour les raisons évoquées ci-dessus - on n’a que très peu de chiffres fiables concernant la bisexualité, mais il est certain qu’il y a au moins autant de personnes bisexuelles que de personnes homosexuelles et même probablement plus. [ Le chiffre global – homos/bis – n’est, en tout cas, certainement pas inférieur à 1O% de la population ; il est très probablement plutôt de l’ordre de 15%, tout dépendant évidemment des critères retenus pour apprécier à partir de quel moment une personne ne peut plus être considérée comme hétérosexuelle mais comme bisexuelle. En tout cas, le chiffre de 10% a été considéré comme suffisamment sûr pour avoir été retenu dans un rapport parlementaire officiel. ] .

Même s’il y a peut-être un peu plus de femmes bisexuelles que d’hommes (notamment parce que la sensualité et les capacités sexuelles de la femme sont plus riches et plus variées), la bisexualité est largement partagée par les deux sexes.

La pression sociale d’une masculinité faussement considérée comme « virilisante », un certain machisme encore ambiant et les fantasmes abondamment véhiculés par les clichés habituels et les nombreux supports (livres, revues, films,…) à caractère pornographique, avec tout l’aspect mercantile qu’il y a derrière, ne doivent ni masquer, ni déformer cette réalité. Et même si elle est souvent mieux acceptée pour les femmes, cette acceptation n’est pas tant le reflet de la réalité que bien souvent plutôt celui d’un sexisme primaire au regard assez avilissant pour la femme dans lequel elles ne se reconnaissent évidemment pas.

Par ailleurs la bisexualité, par la meilleure connaissance – physique et psychologique- et la plus grande compréhension entre les sexes qu’elle génère forcément, favorise l’égalité et le respect entre eux ;   il n’y a alors nul besoin de machisme ou de féminisme.

Il ne fait pas de doute que la visibilité naissante de la bisexualité doit beaucoup au « mouvement gay ».

Hétérosexualité, homosexualité, bisexualité sont aussi vieux que l’espèce humaine et dureront autant qu’elle. Seul le traitement qui leur est réservé par le corps social pour des raisons de natures très diverses peut varier d’une époque à l’autre ; et en ce domaine, la répression n’a pas plus de sens et d’efficacité qu’un soi-disant prosélytisme. Suivant les circonstances, les homosexuels/les et les bisexuels/les sont simplement contraints de se cacher plus ou moins…

Dans l’Histoire, de nombreux personnages connus (hommes ou femmes) étaient bisexuel(le)s. Pour les hommes on peut notamment citer : Alexandre le Grand, Jules César, Euripide, Goethe, Voltaire, Lully, Pierre le Grand, Joachim Murat, James Cook, le Maréchal Lyautey, Georges Mandel, Bertold Brecht, Louis Aragon,…

Pour les femmes : Eleanor Roosevelt (épouse du Président Roosevelt et une des principales rédactrices de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme), Colette, Virginia Woolf,Joséphine Baker, Coco Chanel, Marlène Dietrich, Greta Garbo,…

Mai 1968 et les différentes libérations qu’il a entraîné, le combat féministe et l’émancipation de la femme –y compris dans la maîtrise de son corps de femme et de son corps de mère-, l’arrivée tragique du VIH (Sida) dans le monde occidental, l’acquisition d’un certain nombre de droits et en particulier la possibilité de la reconnaissance d’une union civile entre personnes de même sexe, d’autres avancées législatives acquises ou en cours, des informations régulières dans les médias,…autant de faits ou d’éléments qui ont permis la reconnaissance progressive de l’existence de l’homosexualité et son acceptation grandissante par la société.

[Actuellement, en France, 73% de la population est favorable au principe de l’existence du Pacs et 72% estime que le fait qu’un Ministre soit homosexuel ne change rien à ses qualités.]

Le « mouvement gay », acteur actif de ces évolutions, s’est petit à petit affirmé et structuré.

Naturellement proches de ces évolutions et de ce mouvement, les bisexuel /les se sont progressivement faits à peu près reconnaître à tel point que maintenant les associations ne se dénomment plus uniquement comme « gays et lesbiennes », mais comme «  LGBT » (Lesbienne, Gay, Bi et Trans).

Dans un certain nombre de pays (et principalement dans certains Etats des Etats-Unis, au Québec, dans des pays d’Europe du Nord et en Suisse), des associations bisexuelles se sont créées, et acquièrent une vitalité croissante aux côtés des associations homosexuelles ; ailleurs des groupes de bisexuel/les existent à l’intérieur des associations homosexuelles.

Cependant la reconnaissance de la bisexualité n’est encore que débutante –spécialement en France- et on constate, par exemple, que les médias n’en parlent que très rarement. Ce qui ne contribue pas à ce que les jeunes bisexuel(le)s soient rassuré(e)s sur leur « normalité ».